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5
Mar

Cabinet d’architecture : relire la convention collective

Une société d’architecture décide de licencier pour faute grave un dessinateur. Mais, entre l’entretien préalable et le licenciement effectif, il s’est écoulé 1 mois, là où la convention collective impose un délai de 10 jours maximum. Le licenciement n’est donc pas valable estime le salarié. Et pourtant…

Délai de notification de licenciement : 10 jours… sauf suspension possible ?

Engagé par une société d’architecture, en qualité de dessinateur, un salarié a été mis à pied à titre conservatoire et convoqué à un entretien préalable à licenciement qui s’est tenu un 10 mars, puis licencié pour faute grave le 11 avril suivant.

L’employeur l’a, en pratique, sanctionné pour avoir relayé des informations confidentielles de nature salariale et tenu des propos péjoratifs, via son adresse mail professionnelle.

Mais le salarié, qui a attentivement relu la convention collective, conteste la régularité de la procédure de licenciement suivie par son employeur : la convention collective nationale des entreprises d’architecture (du 27 février 2003) prévoit que l’employeur dispose d’un délai de 10 jours à compter de l’entretien préalable pour licencier un salarié. Ce qui n’est pas le cas ici…

Certes, reconnaît l’employeur, mais les circonstances de ce licenciement sont un peu particulières, rappelle-t-il. Pour prouver la matérialité des faits et s’assurer que le salarié était bien l’auteur des faits reprochés, il a dû mener des investigations, tant sur le plan technique que factuel : d’autres salariés pouvaient connaître ses codes d’accès à son ordinateur, son ordinateur aurait pu être utilisé en ouvrant une nouvelle session, etc.

Ces investigations, qui nécessitaient l’intervention de son prestataire informatique, n’ont pas pu être menées dans le strict respect du délai de 10 jours imposé par la convention collective. Mais, dès qu’il a eu les résultats des investigations (le 10 avril), établissant que le salarié incriminé était bien l’auteur des messages fautifs, il lui a adressé, dès le lendemain, la lettre de licenciement.

Pour l’employeur, il faut donc considérer que le délai de 10 jours est nécessairement suspendu le temps de ces investigations : ici, le délai de 10 jours, suspendu du 12 mars au 10 avril, a recommencé à courir le 10 et a été respecté par l’envoi d’une lettre de licenciement le 11 avril.

Ce que confirme le juge ! Le fait, pour le salarié, de nier au cours de l’entretien préalable être l’auteur des faits, en mettant en avant des éléments de contestation tant sur le plan factuel que technique, des investigations avant toute prise de décision, lesquelles avaient été engagées par l’employeur dès le lendemain de l’entretien, étaient légitimes. Le délai conventionnel est donc suspendu pendant ce temps.

Source : Arrêt de la Cour de Cassation, chambre sociale, du 13 février 2019, n° 17-13749

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5
Mar

Liberté d’expression : abus = limite !

Un salarié tient des propos tendant à critiquer l’organisation de l’entreprise qui l’emploie. Des propos toutefois trop véhéments, constate l’entreprise, qui décide de le licencier. Au mépris de sa liberté d’expression, conteste le salarié…

Liberté d’expression : défense d’abuser !

Un salarié a, par courrier, tenu des propos véhéments, voire injurieux et infamants aux yeux de son employeur. Il y explique qu’il refuse « d’accourir ventre à terre pour répondre à l’injonction hiérarchique bête et méchante » ; il qualifie de « torchon » une lettre adressée par le directeur ; il écrit que ce dernier ment « effrontément », qu’il « joue au caporal », etc.

Des propos qui excèdent largement la liberté d’expression dont jouit tout salarié, estime son employeur qui décide de le licencier.

Mais le salarié conteste ce licenciement : tout salarié est en droit de critiquer tant l’organisation de l’entreprise que des propos, des décisions ou des méthodes qui lui paraissent inappropriés, estime-t-il.

Certes, reconnaît le juge, mais la véhémence des propos constitue, ici, un abus de la liberté d’expression du salarié caractérisant une cause réelle et sérieuse de licenciement, et ce, d’autant que ces propos ont eux-mêmes été largement diffusés au sein de l’entreprise.

Source : Arrêt de la Cour de Cassation, chambre sociale, du 13 février 2019, n° 17-15928

La liberté des uns s’arrête là où commence celle des autres ? © Copyright WebLex – 2019

4
Mar

Groupe de sociétés = plusieurs employeurs ?

2 sociétés appartenant à un même groupe, qui ont les mêmes dirigeants, qui emploient des salariés pour accomplir les mêmes tâches pour les mêmes clients peuvent-elles être considérées comme « co-employeur », avec toutes les conséquences que cela suppose ? Réponse…

Co-emploi = confusion d’intérêt

Un salarié fait l’objet d’un licenciement économique par son entreprise, placée en redressement judiciaire. Mais, parce que cette même entreprise fait partie d’un groupe, il va contester ce licenciement, estimant être en situation de co-emploi.

Il se trouve que l’entreprise, en redressement judiciaire, qui l’a licencié est détenue par une autre société. Or, les salariés de ces 2 sociétés accomplissent les mêmes tâches pour les mêmes clients, partagent les mêmes dirigeants.

En outre, la société-mère assure directement la gestion administrative du personnel de la société filiale qui l’employait, par l’entremise d’un responsable qui valide notamment les dates des congés payés.

Tous ces éléments caractérisent, selon le salarié licencié, une confusion d’intérêts, d’activités et de direction, de sorte qu’il s’estime toujours sous la subordination de la société-mère.

Un argument que n’entend toutefois pas le juge. Certes, reconnaît-il, une société faisant partie d’un groupe peut être considérée comme un co-employeur à l’égard du personnel employé par une autre. Mais, hors l’existence d’un lien de subordination, cela suppose qu’il existe entre elles, au-delà de la nécessaire coordination des actions économiques entre les sociétés du groupe et de l’état de domination économique que cette appartenance peut engendrer, une confusion d’intérêts, d’activités et de direction. Et cette « confusion » se manifeste par une immixtion dans la gestion économique et sociale de la société.

Mais, ici, le critère de l’immixtion dans la gestion de la filiale n’est, selon le juge, pas caractérisé. Ainsi, même si la société mère et sa filiale ont les mêmes dirigeants, si le salarié a pu accomplir les mêmes tâches qu’un salarié de l’autre société et pour les mêmes clients, si la gestion administrative du personnel est assurée par un responsable de la société mère, ces éléments sont toutefois insuffisants pour caractériser une confusion d’intérêts, d’activité et de direction.

Conclusion : la société-mère n’est donc pas le co-employeur du salarié licencié pour motif économique par sa filiale.

Source : Arrêt de la Cour de Cassation, chambre sociale du 13 février 2019, n° 17-15903

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4
Mar

Faire figurer ses CGV au verso de ses factures : bonne ou mauvaise idée ?

Comme le prévoient ses CGV et la clause d’attribution de compétence qu’elle comporte, une société assigne en justice une entreprise avec laquelle elle est en litige devant le tribunal mentionné dans ladite clause. Sauf que les CGV ne lui sont pas opposables, répond cette entreprise…

CGV : elles peuvent être tacitement acceptés !

Une société A signe un contrat de distribution de ses produits avec la société B. 8 ans plus tard, le contrat est rompu et la société A assigne en justice la société B en paiement de ses factures.

Mais la société B estime que l’assignation n’a pas été faite devant le bon tribunal : l’action intentée par la société A est donc irrecevable, estime-t-elle.

Ce que conteste la société B : elle rappelle que ses conditions générales de vente (CGV) comportent une clause attribuant la compétence au tribunal devant lequel elle l’a assignée en justice.

Sauf que les CGV lui sont inopposables, répond la société B puisqu’elles n’ont jamais été portées à sa connaissance et qu’elle ne les a pas expressément acceptées.

« Si », répond la société A : les CGV ont figuré au verso des 120 factures qu’elle lui a transmises tout au long des 8 années qu’a duré leur relation d’affaires. Et la clause litigieuse est rédigée en caractère suffisamment gros et en des termes suffisamment clairs et précis pour que la société B en prenne connaissance. Dès lors, il faut considérer que la société B a tacitement accepté ses CGV, estime la société A. Ce que confirme le juge.

Source : Arrêt de la Cour de cassation, 1ère chambre civile, du 13 février 2019, n° 18-11609

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4
Mar

Vente immobilière : l’importance de l’orthographe…

Un couple qui a acheté un immeuble se rend compte que l’un de ses principaux critères d’achat n’est pas respecté. Acte de vente à l’appui, il va réclamer des indemnités au vendeur et à l’agence immobilière qui est intervenue à la vente. A tort, selon ces derniers, qui rappellent que si tous les mots comptent, les lettres qui les composent aussi…

Vente immobilière et critère d’achat non respecté : que dit l’acte de vente ?

Un couple achète un immeuble dont il pense que le plancher de chaque niveau est en béton. Après l’achat, il constate pourtant que seul le plancher du rez-de-chaussée et du 1er étage sont en béton. Les planchers des 2èmes et 3èmes étages sont, en effet, en bois.

Parce que le couple recherchait spécifiquement un immeuble avec tous les planchers en béton et que l’immeuble acheté ne respecte pas ce critère primordial pour lui, il réclame des indemnités au vendeur et l’agence immobilière qui a procédé à la rédaction de la promesse de vente.

Pour prendre une décision, le juge va consulter l’acte de vente. Il relève alors que la rubrique dédiée à la description de l’immeuble comporte la mention « dalle béton # » dont il retire 2 observations :

  • les mots « dalle béton » sont écrits au singulier ;
  • le signe « # » est un renvoi, dans l’acte, pour préciser la désignation de la cave.

Par ailleurs, le juge relève que le couple ne démontre pas avoir informé le vendeur et l’agence immobilière de son exigence d’avoir un plancher en béton à chaque étage.

Dès lors, au vu de ces constatations, le juge estime que le couple ne peut réclamer d’indemnité ni au vendeur ni à l’agence immobilière.

Source : Arrêt de la Cour de cassation, 3ème chambre civile, du 14 février 2019, n° 17-27975

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4
Mar

Demander un service à une autre société : un prix à payer ?

Pour le calcul de son impôt, une société, membre d’un groupe ayant opté pour l’intégration fiscale, demande à déduire le montant des prestations de service qui lui sont facturées par sa société mère, ce que lui refuse l’administration. A tort ou à raison ?

Prestations de service intragroupe : vous avez des preuves ?

Une SARL (société à responsabilité limitée) qui exerce une activité de prestation d’études techniques et d’ingénierie, fait partie d’un groupe de sociétés fiscalement intégrées dont la société mère est une SA (société anonyme).

La SARL fait l’objet d’un contrôle fiscal débouchant sur un rehaussement d’impôt sur les sociétés (IS) et de TVA. L’administration refuse, en effet, que la SARL déduise de son résultat imposable le montant des prestations de service qui lui sont facturées par sa société mère.

Ce que la SARL conteste. Pour justifier le montant des charges dont elle demande la déduction, elle produit la convention conclue avec sa société mère, en vertu de laquelle les prestations ont été réalisées, mais aussi différentes factures établies par la SA.

Insuffisant pour l’administration, qui relève que :

  • les prestations en cause (secrétariat général, gestion financière, contrat de gestion et négociation commerciale) correspondent à des missions qui, de par leur nature même, sont inhérentes à l’exercice de ses fonctions de direction par le gérant de la SARL ;
  • la SARL dispose du personnel suffisant pour effectuer les tâches qui sont ici facturées par la société mère.

Insuffisant pour prouver l’absence de réalité des prestations facturées par la société mère à la SARL, relève à son tour le juge qui, de fait, annule le redressement fiscal.

Source : Arrêt du Conseil d’Etat du 15 février 2019, n°407694

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